« Identité numérique » ou « réputation numérique » ?


On a peut-être parfois tendance à confondre les deux. Mon identité m’appartient, j’en use comme je l’entends : je la dévoile ou elle se laisse deviner lorsqu’on lit les traces laissées par moi, volontairement, sur la toile, qui devient mosaïque de couleurs qui de près n’a pas de sens mais de loin dessine un paysage.

L’identité numérique se loge du côté de la création, donc. Or la réputation numérique est ce que les autres vont ajouter à cette identité : leurs commentaires sur mes travaux, mes traces, leurs interrogations et supputations.

Travailler mon identité numérique c’est donc avoir bien conscience des enjeux de la publication sur la toile. Pour essayer de faire réfléchir mes élèves à toutes ces problématiques de création et de publication, je me lance moi aussi dans le web2 car j’y trouve aussi un espace collaboratif de travail et d’échanges. Pour faire réfléchir aux enjeux de la publication, je publie. Je prends moi-même  ce risque et estime qu’il est légitime et que, surtout, il permet à l’esprit critique de se forger et de se développer. Comment mieux réfléchir à ce processus éditorial qu’en publiant moi-même ? qu’en laissant des traces et voir ce qu’elles deviennent ?

Or, plus j’avance dans ce travail d’éducation aux médias, plus je me rends compte de la similitude avec les enjeux littéraires. Quand on étudie l’oeuvre d’un écrivain, qu’on en lit tous les textes (ceux qui ont été publiés mais aussi, horreur ! ceux qui n’étaient as destinés à l’être  – trahison ?), on cherche à cerner au-delà de l’oeuvre, de la productionpublique d’un auteur qui a construit une oeuvre, la personne. Confusion de la personne et de ses écrits.  Mais est-ce la même chose avec les traces laissées sur la toile ? Est-ce une oeuvre ? C’est plutôt des bribes de réflexion qui prennent une certaine forme. Peut-on mener la même entreprise d’investigation de mon identité numérique ? voyons voir un peu tous les tweets de cette personne depuis vingt ans et concluons… comme si un tweet était une oeuvre, comme s’il fallait tout prendre et ne rien laisser ? Un peu comme publier le brouillon au lieu de la production finale. Comme si le mot évolution ne nous concernait qu’à grande échelle ! comme si on n’était pas fait (nourri) de contradictions et de variations ! Droit à l’oubli, peut-être, oui, mais droit peut-être surtout à l’indifférence ! Que vous importent mes tweets d’il y a vingt ans ? (voilà une belle projection dans le temps !) Ainsi, il est aussi choquant d’exhiber à la lumière des textes que l’auteur n’a pas voulu publier que de tirer des conclusions à la légère des traces laissées. Honnêteté intellectuelle ?

Si j’essaie de rassembler tout ça, je me dis qu’il ne peut pas y avoir de glose efficace et honnête sans la prise de risque de la pratique. Passer du côté de l’écrivaillon apprend bien plus de choses que de se cantonner frileusement dans son fauteuil de commentateur. Faire l’expérience de la page blanche, faire l’expérience du travail à accomplir, un vrai défi ! Et une certaine légitimité vient alimenter l’identité numérique afin de protéger la réputation numérique, aussi.

De même, je viens d’acheter pour la première fois un jeu vidéo (Tomb raider) : comment faire autrement si je veux com-prendre les arguments de mes élèves qui me soutiennent qu’il y a du bon à en retirer ? Et puis, depuis que j’ai entendu Yann Leroux à l’émission Place de la Toile, il est vrai que c’est un sujet qui me fait réfléchir.

Ainsi, investir le web2 consiste pour moi en une vraie exploration et prise de position : je connais mieux, depuis, mes limites et mesure davantage la portée de mes choix. C’est ainsi que prendre une décision, qui m’engage IRL sur la protection ou pas de mes tweets (je ne les protège plus car j’assume tout), ne se limite pas à une  élucubration métaphysico-philosophico-psychologique mais m’engage. Camus parlait de Révolte. Je crois que je comprends mieux ce mot.

Aussi suis-je peut-être prête à enseigner …

Un lien vers une interview intéressante d’Adrienne Alix présidente de Wikimédia en France.

Un autre lien vers une infographie « Les 4 forces de l’identité numérique ».

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3 commentaires pour « Identité numérique » ou « réputation numérique » ?

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  2. cjeanney dit :

    Oh oui (je ne peux m’empêcher de réagir) aussi avec les jeux vidéos, du bon à en tirer. Énorme « claque » quand j’ai commencé à jouer à Tomb, et sûrement des tas de choses à dire et à analyser sur les compétences demandées, en plus de la projection dans un lieu autre, de l’anticipation/réflexion, des phobies nouvelles et purement jeuvidéoludiques qui se dévoilent (ma peur de « mourir » noyée en tant que Lara, le coeur qui battait, hou la la.. ;-)).
    Et puis, plus sérieusement, dans l’identité numérique, il y a un enjeu de risque et de confiance aussi. Confiance envers ceux avec qui on échange (choix) et confiance en soi aussi, assez pour oser dire, se dire, se dessiner comme vous le dites parfaitement bien en « mosaïque de couleurs qui de près n’a pas de sens mais de loin dessine un paysage ».

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